CRISE LAITIÈRE Sous la pression des éleveurs, la filière tente de réagir
Le consensus sur les PGC vendus en France pourrait apporter un peu d'oxygène, mais il sera insuffisant pour garantir un prix rémunérateur aux éleveurs.
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Devant la crise laitière qui s'installe, les pouvoirs publics ont organisé, le 24 juillet, une table ronde réunissant tous les acteurs de la filière, dont la grande distribution. Objectif : « Donner des perspectives de prix positives aux éleveurs pour la fin de l'année ». De commentaires en communiqués, cette ambition s'est très vite affichée pour un prix du lait à 340 €/1 000 l pour 2015. Un atterrissage qui avait déjà été avancé en début d'année, bien avant cette situation de crise. Quels engagements ont été pris fin juillet au ministère de l'Agriculture ? Pour les distributeurs, d'août à décembre, une revalorisation des tarifs MDD et premiers prix sur la base de fin 2014 pour le lait, la crème, le beurre et l'emmental. Traduisez : pour un lait payé autour de 360 €/1 000 l (en 38/32, toutes primes confondues). Pour les marques : l'application sans renégociation à la baisse des accords tarifaires de février 2015 signés pour un prix du lait à 340 €. Enfin, l'arrêt des importations de produits laitiers. De leur côté, les transformateurs se sont engagés à une rétrocession intégrale aux éleveurs de ces hausses de tarifs. Dès les jours qui ont suivi, les transformateurs ont souhaité calmer les ardeurs : « Il est faux de croire que le prix du lait ne va pas descendre en dessous de 340 €/1 000 l grâce à cette discussion », s'est empressé d'écrire Damien Lacombe, président de Sodiaal. Idem pour Terra Lacta. Quant à Savencia (ex-Bongrain), qui s'est attiré les foudres des éleveurs, il rappelle que les fromages ont été écartés et que plus de 58 % de son mix-produit sont commercialisés en ingrédients laitiers et PGC export valorisés entre 240 et 280 €. Alors, un accord pour rien ? Il aura peut-être le mérite de calmer la guerre à laquelle se livrent les enseignes. Mais de là à offrir 340 €/1 000 l ! Faisons un calcul très schématique : prenons un mix-produit France qui transforme 50 % de la collecte sur les PGC vendus sur le territoire et admettons qu'ils valorisent ce lait aux 340 à 360 € annoncés, c'est-à-dire en supposant que la restauration hors foyer entre dans cet accord. Le reste est exporté dans l'UE où le prix du lait tourne au mieux à 280 €, ou sur le marché mondial avec des cotations écroulées qui n'offriront guère plus que 220 €. Résultat : un prix moyen proche de 300 €/1 000 l. C'est évidemment insoutenable.
Chaque crise vue comme une « destruction créatrice »...
Les CER de Bretagne n'annoncent-ils pas un prix d'équilibre moyen à 355 € et à 390 € pour un quart des éleveurs. Où sera la solution ? Elle ne peut venir que des autorités européennes. Le Conseil des ministres qui s'est tenu le 7 septembre a-t-il acté une remontée significative (270 €/1 000 l) des prix d'intervention ? Sans régulation de l'offre, ce serait une option coûteuse. Et elle est loin d'être partagée dans le monde libéral qui nous gouverne. « Certains pays membres d'Europe du Nord envisagent chaque crise comme une "destruction créatrice" renforçant la compétitivité de leurs filières, tout particulièrement à l'export », rappelle l'Institut de l'élevage. Autrement dit, la sortie de crise attendra la mort des plus faibles. On peut aussi rêver que la Chine revienne massivement aux achats ou que s'arrête l'embargo russe.
DOMINIQUE GRÉMY
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